mercredi 11 février 2015

Grextay


Charles Gave et Franck Boizard soulèvent des points intéressants à propos de la crise grecque.

L'attitude des Grecs vis-à-vis de l'argent ne m'inspire aucune sympathie; mais les banques et autres fonds d'investissement qui se sont soumis une deuxième fois à des niveaux de risque considérables dans ces gouffres à pognon en croyant qu'ils n'en prenaient aucun sont indéfendables.

Tsipras a deux excellentes cartes dans sa manche : son pays ne peut structurellement pas payer les niveaux astronomiques de dette accumulés, sauf à se réduire en esclavage, et le monde financier considère l'hypothèse d'un Grexit comme un hiver nucléaire. Il en possède une troisième : l'hostilité grandissante des opinions européennes envers les institutions joue en sa faveur. 

Pour moi, il est en position de force.

Moi, je ne crois pas que la Grèce va se coucher, ni qu'elle va quitter l'euro, en l'état. L'Europe va jouer le pourrissement et tenter de faire retomber la vague d'enthousiasme autour de la victoire de Syriza pour les forcer par la suite à accepter les conditions qu'elle dicte, en procédant à quelques ajustements de façade pour permettre à tout le monde de sauver les apparences. Ca va se jouer autour de la détermination des Grecs, mais quelque chose me dit qu'ils n'en manquent pas et que le chantage ne va pas fonctionner, parce que les calculs d'Athènes, cette fois, sont justes : quelle que soit l'allure de sa restructuration, le pays ne peut pas se sortir de sa trappe à dette sans un défaut partiel.

Mais surtout, je crois que beaucoup de technocrates européens ne verraient pas d'un si mauvais oeil, en fin de compte, ce "New Deal" que réclame Tsipras et dont on n'a pas fini d'entendre parler. A ce stade, le seul moyen pour les institutions européennes d'éviter une panique d'un côté (Grexit) comme de l'autre (obliger les banques européennes à s'asseoir sur leurs pertes et créer un effet de contagion) serait de rebattre les cartes de manière à conserver le contrôle de la situation et si possible l'accroître, tout en sauvant les apparences pour tout le monde.

Les conditions se réunissent peu à peu pour un transfert massif de pouvoir vers les institutions centrales, qui donnerait autorité à l'Europe pour appliquer une politique à la Roosevelt : hostilité générale de l'opinion envers "l'austérité", mise en place d'un QE européen, nécessité impérieuse de sortir plusieurs pays de leur trappe à dette. Syriza a le vent en poupe, de ce point de vue.

Le prix d'un plan qui préserverait à la fois la chèvre grecque et le chou bancaire est tellement exorbitant sur le papier qu'une telle hypothèse ne peut exister que dans un cadre comparable au New Deal : fiscalité écrasante à l'échelle du continent et politique monétaire ultra-agressive pour parvenir à financer le tout, en assommant l'opinion européenne de communication sur la nécessité absolue de ces mesures et en serrant les fesses très très fort pour qu'elle morde à l'hameçon de la fin de l'austérité.

On imagine sans peine les mesures politiques nécessaires à mettre en place un tel plan. La consolidation de l'unité européenne et la préservation de l'euro valent bien quelques menus sacrifices, camarade.

Il ne faisait déjà pas bon vivre en Europe, mais en comparaison de celles qui se profilent, les dernières années vont avoir l'air d'une aimable plaisanterie.

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